Un « embouteillage » sur le marché de la cession d’entreprise est-il réellement à craindre ?
Ces dernières années, certains professionnels s’inquiètent d’un possible « embouteillage » sur le marché de la cession d’entreprise. Le motif de cette inquiétude est simple, les baby-boomers arrivent à l’âge de la retraite, ce qui se traduit en chiffre par 350 000 entreprises en France dont le dirigeant a 60 ans ou plus. Cela représente 10% des entreprises françaises alors que les plus de 60 ans ne sont pas les seuls cédants potentiels et que, pour 2016, on a compté 18 900 cessions. D’où la crainte qu’il y ait plus de cédants que de repreneurs, ce qui entrainerait la disparition de certaines entreprises et compliquerait la cession pour les chefs d’entreprise songeant à prendre leur retraite.
Il n’y a pas de raison de s’alarmer…
Il est vrai qu’un tel nombre d’entreprises sur le marché de la cession d’entreprise ne connait pas de précédent mais on compte, en moyenne, un cédant pour deux repreneurs, ce qui devrait rassurer les cédants potentiels. De plus, les cas de disparitions forcées d’entreprises faute de repreneur sont rares. La plupart de ces disparitions au moment du départ à la retraite du chef d’entreprise concernent des entreprises en difficulté financière. L’absence de repreneur est donc loin d’être l’unique cause de leur disparition et s’explique par des caractéristiques propres à l’entreprise. De plus, elle concerne la plupart du temps des entreprises individuelles, ce qui implique une perte de savoir-faire mais pas nécessairement une perte d’emploi.
D’après des panoramas réalisés par les CCI de la Métropole de Lyon et d’Ile-de-France dégageant des tendances nationales, nous remarquons que les intentions de transmission sont à la hausse de manière générale mais qu’elles concernent principalement les plus de 60 ans. D’ailleurs en 2016, cette idée semble plus précise pour les chefs d’entreprise puisqu’ils sont une écrasante majorité (plus de 90%) à avoir une échéance en tête et parmi eux, ils sont nombreux à préparer leur transmission avec un professionnel, en général leur expert-comptable. Ainsi, on observe que l’âge de la transmission semble reculer avec une particularité sociologique intéressante : les chefs d’entreprise redoutent leur retrait de la vie active.
Les professionnels et les observateurs perçoivent actuellement une autre tendance sociologique qui concerne cette fois les perspectives de carrières des cadres au virage de la quarantaine ou de la cinquantaine. Même si aucune étude ne permet de quantifier précisément ce phénomène, 25% des cadres envisageraient sérieusement de se reconvertir et parmi eux, nombreux sont ceux qui s’orienteraient vers la reprise d’entreprise. Cela est particulièrement tangible pour les reprises de PMI et les entreprises de bouche et d’hôtellerie. Cet élan caractéristique de l’actuelle génération de cadres supérieurs est rassurant et tombe à point nommé pour les cédants. Cela laisse d’ailleurs présager un renouvellement des techniques de direction et devrait apporter de la créativité afin de perfectionner ou de faire évoluer les business models.
Une cession d’entreprise réussie est une cession d’entreprise préparée
Par ailleurs, une offre importante de repreneurs ne dispense pas les cédants d’anticiper la transmission de leur entreprise. Une cession d’entreprise réussie est une cession d’entreprise préparée. Les enjeux sont multiples et nécessitent que le chef d’entreprise dégage du temps pour préparer la cession de son entreprise et qu’il se fasse accompagner par des experts pour les aspects techniques de l’opération. Une partie des enjeux sont financiers et fiscaux. Il s’agit, pour le cédant, de maximiser la valeur de son entreprise en faisant un diagnostic des points forts et faibles de son entreprise afin de mettre en place un plan d’actions qui mette en valeur les forces et corrige certaines faiblesses.
Mais l’objectif est aussi de maximiser le bénéfice du cédant dans la transaction, ce qui implique, par exemple, d’anticiper cela au plan fiscal avec le cas échéant des conséquences juridiques. Les autres enjeux concernent la transmission et la continuation de l’activité de l’entreprise. Dans toute cession, le cédant choisit son successeur sur des considérations financières mais aussi et surtout humaines (adéquation avec l’écosystème de l’entreprise, salariés, clients, fournisseurs, partenaires, …). C’est pourquoi, il est essentiel de prendre le temps de définir le profil idéal de repreneur et de planifier précisément la cession. Une fois cela défini, il faut apprendre à se retirer progressivement des affaires et, si possible, former quelqu’un qui connaîtra suffisamment l’entreprise pour assurer la transition. Toutes ces actions favorisent la pérennité de l’entreprise et une continuation sereine de son activité.
Enfin, un chiffre devrait rassurer les cédants soucieux et les repreneurs hésitants : d’après l’Insee, les entreprises reprises ont un taux de survie à 5 ans compris entre 70 et 80% selon les secteurs, contre 50% en moyenne pour les créations d’entreprise.